Cet article est une traduction de l’interview de Sakai “nbkz” Nobukazu, initialement publiée dans Business Journal et traduit par “Akira” sur son blog LETTERS FROM THE SECOND DIMENSION (que j’en profite pour remercier… certes en français).
Vu le contexte de ce blog et le fait qu’il y a de très fortes chances que les lecteurs de cet article connaissent un peu ce que sont les VN, Bishoujo Game, etc, je ne traduirais pas la partie introductive du blog (éventuellement je changerais ça en fonction de commentaires). Je traduirais parfois certains termes en les laissant en WEABOO parce que tout le monde les comprends mais y’aura toujours 3 casse-couilles qui viendront me les briser. Aussi, je préviens que l’article étant *long*, je l’ai traduit rapidement. La traduction devrait être correcte, mais l’adaptation potentiellement foireuse (et quelques raccourcissement sur les parties lourdes / redondantes) et le contrôle qualité inexistant.
Le but c’est de vous faire comprendre l’article original, pas de vous montrer la taille de mon pénis avec la SUPAH QUALITAY de ma trad.
Question : Première question : Combien est-ce que cela coûte pour produire un bishoujo game (jeu avec des filles jolies) ?
Réponse : Si vous voulez maintenir un semblant de qualité, environ 30 millions de yens (NdT : 246.4k€ au moment de la traduction, taux actuel ici)
Par exemple, disons que vous embauchiez un scénariste / écrivain, un producteur, un artiste, deux assistants (pour l’artiste) et que vous leur donnez un salaire mensuel de 250K¥ (NdT : 2k€ au moment de la traduction, taux actuel ici…). C’est la plus petite équipe que vous pouvez avoir. Ces 5 personnes vont devoir faire tout un tas d’autres choses qui ne sont pas mentionnées sur la description officielle de leur emploi. Disons que vous leur donnez 1 an pour finir un bishoujo game à plein tarif (pour un prix de vente à 8.800¥ (NdT : 72€ au moment de la traduction)). Vous avez environ 15M¥ (123k€) pour les salaires. Après vous allez devoir externaliser le doublage, la musique, la programmation et les arrière-plans, qui vont vous coûter dans les 4M¥ (33k€). La partie ventes, administratives et autres vous coûteront encore 1.5M¥ (12k€) de plus. Les frais généraux et les taxes seront aux alentours de 3.6M¥ (30k€). Vous avez désormais 24.1M¥ (198k€) de coûts. Si vous ajoutez d’autres variables de coût liés à la production (impression, packaging) et la part pour les employés, vous allez avoir besoin d’environ 30M¥ (246.4k€).
En réalité, il est vraiment difficile de finir un jeu par an avec 5 personnes. En prenant plus de gens ou en augmentant la qualité de la production, certains titres peuvent atteindre plusieurs centaines de millions de yens de coûts. Par exemple, deux jeux que nous avons fait, Supipara et ef, chacun d’entre-eux nous a coûté plus de 100 millions de yens à produire.
Q : 100 millions de yens ?! Où est-ce que tout cet argent va ?!
R : La plus grosse part va à la production de CG (NdT : Computer Graphics, en gros les graphismes 2D fait par ordinateur). Contrairement aux animés, les CG sont des images fixes, du coup chacune d’elle doit être d’une très haute qualité. Il est difficile de mettre au propre le rough, faire la colorisation avec de multiples dégradés et ajouter des effets. Plus il y a de CG dans un jeu, plus il devient cher à produire. De plus, vu que les joueurs vont passer beaucoup de temps à regarder les arrière-plans, le contrôle qualité est d’une extrême importance.
La résolution des écrans ont augmentés récemment. Cela a eu un impact négatif sur nos coûts. Avant, les jeux étaient produits en 800×600, mais aujourd’hui nous parlons de 1920×1080. Pour faire simple, vous devez coloriser 4,3 fois plus d’espace. Non seulement cela demande plus de temps pour produire chacune des CG, mais cela veut aussi dire que nous devons être encore plus vigilant lors du contrôle qualité. Nous devons aussi tenir compte de la puissance des ordinateurs de nos clients. Il est peu probable que nos clients ont le dernier PC haut de gamme, du coup il est difficile pour nous de penser à quel type d’OS et de système nous devons supporter. Contrairement aux jeux sur console, les jeux sur PC ne peuvent pas partir du postulat que les spécifications de chacune des machines sont les mêmes.
Q : minori sort un jeu par an. Est-ce que l’entreprise est capable de survivre à ce rythme de production ?
R : Si nous sortons un jeu par an, tout va bien. En fait, il est vraiment difficile de créer plus d’un jeu plein tarif par an n’utilisant qu’une équipe de production. Je suis certain que les autres entreprise [du secteur] seront d’accord avec moi sur ce point. Vu que chaque production est une production originale, nous devons écrire le script, designer des personnages, dessiner des arrières-plans et considérer la vision du monde de chacun des jeux que nous faisons. Tout cela demande un énorme volume de temps. Il est difficile de faire tout cela en une année. Il y a des entreprises qui produisent plus d’un jeu par an, mais elles ont plusieurs équipes de production. Vendre 10.000 copies d’un jeu est complètement différent de vendre 10.000 copies de plusieurs jeux.
Q : Votre nouveau jeu, Natsuzora no Perseus (sorti en fin 2012) avait pas mal de produits dérivés spéciaux avec l’édition deluxe (un CD audio (avec des dialogues des acteurs de doublage), un DVD de BO et un livret). Qu’est-ce qui génère le plus de profits ? L’édition deluxe ou l’édition normale du jeu ?
R: Plus nous faisons de produits dérivés pour l’édition deluxe, plus le coût de production augmente, naturellement. Si nous parlons purement en terme de coûts, il est bien plus intéressant de vendre plusieurs copies de l’édition normale. Malheureusement, les bishoujo game ont une très courte durée de vie en rayon (pensez à la DLUO pour des jeux vidéos (笑)). La plupart de nos profits se font pendant les 3 premiers jours de vente : le vendredi, samedi et dimanche. Après ça, nous n’avons plus beaucoup de ventes. C’est pourquoi nous investissons autant d’argent dans les éditions deluxe first-press (ce terme à la con qui existe pas en française, c’est la “première édition” quoi, truc spécifique aux sorties au Japon ou presque). Le fait que nous soyons dans le vert ou dans le rouge dépend de ces 3 jours.
Q : En 2011 et 2012, vous avez participez au BGM Festival (Festival de BO, tenu par bamboo, le président d’OVERDRIVE [boîte produisant aussi des bishoujo game], présentant des bandes originales de bishoujo game). C’est un genre complètement nouveau de festival de musique, et même la NHK s’y est intéressée. Quelle a été l’impact de l’évènement sur vos ventes.
R : Pour être honnête, il n’y a eu aucun effet notoire. Vu que c’était un festival de musique, il y a eu plus de gens intéressés par la musique que par les jeux. C’était inévitable. Les musiques de thème des bishoujo game étaient un très bon support publicitaire, mais ce n’est pas comme si les gens allaient acheter un jeu pour sa musique. Toutefois, le fait d’afficher ainsi notre nom pourrait avoir un effet positif sur notre image de marque, donc peut-être que nous en tirerons quelques bénéfices sur le long terme. Je pensais que c’était un bon évènement pour sortir le secteur de l’impasse dans laquelle il est actuellement.
Q : Maintenant qu’il y a de plus en plus de bishoujo games qui sont adapté en animé, avez-vous pensez à vous débarrasser du contenu pour adulte pour pouvoir porter vos jeux sur PS3 ?
R : Personnellement, je pense que ça ne vaut pas le coup. Il y a de grosses différence entre le PC et la PS2 ou la PS3. Je pense que les joueurs doivent jouer aux bishoujo games assis sur leur chaise, devant un écran d’ordinateur. Si nous faisons des jeux pour la même plateforme, nous nous efforçons à innover en permanence, à créer de nouveau scénarios, à dessiner de nouvelles CG.
Aussi, les portages se vendent assez mal. Si vous pouvez faire 50% des ventes originales en vendant un portage, c’est une énorme victoire. Vu que vous avez déjà le contenu original, les coûts de production sont plus faibles, donc la marge est énorme. Disons qu’un jeu original coûte 500M¥ à produire. Le portage vous coûtera environ 100M¥. Du coup, je suppose que l’on peut être dans le vert même si le portage se vend mal.
Une triste situation : la plupart des employés gagnent moins de 3 millions de yen par an
Q : Suite à l’avènement des ordinateurs personnels et de l’internet à la fin des années 90, des bishoujo games ont été adaptés en animé et font désormais part de notre quotidien. À quoi ressemble le marché en réalité ?
R : Les ventes baissent d’année en année, et le marché se concentre. Il y a environ 200 entreprises, grandes et petites, qui produisent des bishoujo games aujourd’hui, mais ce nombre diminue. Vous avez parlé de l’avènement des PC. En 2000, lorsque le secteur était à son apogée, un jeu qui se vendait à hauteur de 100.000 exemplaires était considéré comme un blockbuster. 30.000 exemplaires était un gros hit, et 20.000 exemplaires étaient un succès. Aujourd’hui, si vous parvenez à vendre 10.000 copies, vous avez un hit entre les mains. C’est l’état actuel du secteur. 10.000 exemplaires, c’est environ 0.01% de la population adulte au Japon. Personne ne jouera ni ne parlera de la plupart des jeux. Je ne suis pas sûr que ces chiffres soient comparables aux mesures d’audience des animés sur la même période de temps.
Q : Pourquoi pensez-vous que le marché se concentre ?
R : C’est probablement parce que les médias deviennent de plus en plus diversifiés. Nous avons Youtube, Nico Nico Douga (NdT : l’équivalent Japonais de Youtube) et toute sorte de jeux sociaux aujourd’hui. De plus, nous avons aussi la PS3, la PSP, la 3DS et tout un tas d’autres plateformes de jeu. Les jeux intégraux, solo deviennent de moins en moins populaires. Il y a pleins de jeux auxquels les gens jouent sur internet, mais les bishoujo games se jouent pour la plupart en solo.
Je pense aussi que les consommateurs sont devenus opportunistes. Prenez les animés. Il y a plein d’animés qui duraient 4 saisons (NdT : ici, il mentionne le fait que la diffusion des animés au Japon se fait en général par “saison” [printemps, automne, été, hiver], ici il s’agit de la diffusion sur toute l’année en somme), mais aujourd’hui la plupart des animés ne durent qu’une saison. La plupart de ces animés d’une saison ont environ 5 heures de contenus réel. Comparé à ça, la plupart des bishoujo games sont long. Un titre contient aux alentours de 1 Mo à 2 Mo de texte, ce qui signifie environ 18-20 heures de temps de jeu. Si vous désactivez le doublage et vous contentez de lire, vous pouvez diviser cette durée par deux. Dans une société opportuniste qui recherche la satisfaction immédiate, les bishoujo games vont à l’encontre du courant dominant. Aussi, il est difficile pour les gens de parler de ces oeuvres longues. C’est pourquoi vous voyez beaucoup de gens critiquer les films et les animés, mais vous ne voyez pas beaucoup de gens critiquer les jeux vidéos.
Disons que nous essayions de créer des jeux plus courts et moins chers. Ce n’est pas une option pour nous. Faire des jeux courts et à bas coût crée énormément de stress pour nos équipes. Pour contourner ce problème, les mangas et les lights novels ont adopté la stratégie de la sérialisation, avec les tankobon. Bien que cela pourrait diminuer nos coûts, il nous est impossible d’adopter ce modèle de production.
Q : Ces dernières années, Akihabara a connu un boom d’activité. La culture Otaku est devenue de plus en plus grand public. Est-ce que le secteur des bishoujo game a vu son activité augmenter par rapport à cela ?
R : Nope. Nous espérions un tel boom, mais les statistiques sont complètement différentes. Les doubleuses sont devenues des idols, il y a plus d’animés de créés et les light novels se vendent bien. Tout cela est vrai. Mais l’otaku devient de plus en plus jeune. Ces jeunes otaku achètent des produits à moins de 1000 yens (8€). Ils achètent des manga et des lights novels, et si quelque chose se fait adapter en animé, ils le regarderont gratuitement à la TV ou sur le net. En comparaison, les bishoujo games sont généralement vendus à 8800 yens, et nous avons même des jeux à 9800 yens ces derniers temps. Une édition first-press deluxe peut atteindre plus de 10000 yens. Il est impossible que ce public, plus jeune, les achète. Ces gens ne sont pas notre marché cible. Ils sont peut-être intéressé par les bishoujo games, mais ils ne les achèteront pas, et c’est ce qui nous importe.
Q : Vous tenez un discours bien pessimiste. Combien gagnent les gens du secteur en moyenne ?
R : En moyenne, je pense à environ 3 millions de yens par an (24.6k€). Il est rare de trouver des gens qui font 4 millions de yens. 3 millions ça fait un salaire mensuel d’environ 250.000 yens (2k€) hors bonus. Seules les entreprise qui ont de bons chiffres de vente peuvent se permettre de payer autant à leur employés. Évidemment, si quelqu’un sort un blockbuster, tout le monde dans l’équipe touchera une part. Si vous êtes un artiste connu, vous aurez aussi d’autre sources de revenu.
En tous les cas, c’est un secteur qui ne rapporte pas beaucoup. Il est donc naturel que les salaires soient bas. Si nous produisons un jeu pour 300 millions de yens, nous pouvons le vendre en gros à moitié prix aux boutiques. Cela signifie que nous atteindrons le seuil de rentabilité aux alentours de 6819 exemplaires d’un jeu vendu à plein tarif (8800 yens). Toutefois, nous voyons régulièrement des chiffres inférieurs à 5000 pour la plupart des jeux. Nous essayons de compenser ces invendus en produisant des produits dérivés, mais si un jeu s’est vendu à quelques milliers d’exemplaires, les produits dérivés ne permettent de ne rattraper qu’une petite fraction des pertes.
Vu que nous sommes dans cette situation, il y a beaucoup d’entreprise qui réalisent de pires performances et mettent la clé sous la porte. Même si vous créez un hit, tous les ans pendant 10 ans, vous serez toujours dans le rouge et finirez par couler. Nous avions sérieusement considéré déposer le bilan après Supipara.
Q : Supipara ne s’est pas bien vendu ? Bien qu’il soit pour tout public, je pensais que c’était un jeu bien fait qui reflétait les qualités uniques de minori…
R : Nous n’avons vendu que la moitié de ce que nous espérions vendre. Malheureusement notre pari a échoué. Nous avions essayé de nous étendre sur un nouveau marché, mais c’est une prise de risque énorme vu que nos résultats nets étaient déjà médiocres. Évidemment, lorsque l’on tente quelque chose de nouveau, il y a des risques. Mais depuis Supipara, nous avons réalisé l’importance de retourner aux sources. C’est pourquoi nous avons fait Natsuzora no Pegasus. Nous avons observé un certain ralliement [des fans] depuis lors, mais le fait même qu’un jeu peut faire la réussite ou couler votre entreprise est un réel problème. (Rires ironiques)
La retraite vers un marché de niche
Q : Donc vous avez dit que le marché se concentrait et que les entreprises coulaient. En partant de ça, vers quoi peut se diriger le secteur ?
R : Je ne pense pas que nous soyons les seuls à couler, il s’agit de tout le business orienté média. L’idée d’un “professionnel” est en train de devenir floue. Regardez Nico Nico Douga. J’ai l’impression que c’est vers cela qu’on se dirige. En d’autres termes, les oeuvres commerciales sont chères, mais les amateurs peuvent produire des oeuvres presque aussi bonnes que les professionnels et les gens peuvent en bénéficier pour virtuellement rien. En réalité, la différence de qualité entre les travaux commerciaux et amateurs est en train de se réduire avec le fait que notre monde devienne de plus en plus numérique.
Il y avait une époque où les gens pensaient que le piratage d’oeuvres était un réel problème. Je ne pense pas. Les pirates continueront de pirater. S’ils ne peuvent pas avoir ce qu’ils veulent gratuitement, ils chercheront ailleurs. Les gens qui ne veulent pas payer ne paieront pas.
Q : Avez-vous des contre-mesures contre cette situation ?
R : Nous avons notre base de clients. Ce sont les fans qui sont réellement intéressés par nos oeuvres. Ce sont les gens que nous cherchons à viser. Ça ne me fait pas plaisir de le dire, mais les personnes qui achètent plusieurs copies du même jeu sont le genre de personne que nous cherchons [à viser]. Le marché a été un marché de niche depuis longtemps maintenant, mais la retraite vers cette niche ne fait que s’accélérer. Regardez ce qu’il est arrivé à l’industrie du disque; elle ne s’intéresse qu’à une petite portion de classes privilégiés. Les bishoujo games vont connaître un sort similaire. Nous n’existerons plus que pour fournir une source de loisir à une très faible part de la population. C’est pourquoi je pense que nous devrions cesser d’écouter l’opinion du grand public pour nous concentrer sur ceux qui veulent vraiment acheter nos jeux.
Les boutiques qui vendent nos jeux meurent les unes après les autres. Dans la plupart des petites villes, ces boutiques ont complètement disparues. En tant que secteur, nous aurions dû penser à ce problème tous ensemble depuis bien longtemps. Pour pouvoir survivre en ces temps de crise, je pense que nous allons devoir nous orienter vers un modèle de fidélisation de la clientèle.
Q : Et donc, vers où est-ce que minori compte s’orienter ?
R : En tant que président de cette entreprise, je réfléchis depuis un moment à notre orientation. Avons-nous un avenir ? Continuer a-t-il un sens ? J’analyse ce problème en ce moment. Je veux faire quelque chose de nouveau, mais devrions-nous aller de l’avant en sachant que nous devrons nous arrêter si nous n’arrivons pas à bien vendre ? Devrions-nous essayer quelque chose de complètement nouveau ? Devrions-nous réduire drastiquement nos coûts et créer quelque chose avec un budget plus faible ? Ce sont les types de scénarios qui nous font face actuellement. Évidemment, en tant que créateur de jeu, j’ai différentes vues à ce sujet, mais cela fera l’objet d’une autre interview.
Pour être honnête, j’ai toujours été prêt à me retirer de ma position de PDG. Je veux dire, nous ne gagnons pas d’argent.
Rires.
Image source : somewhere on the Minori website I guess… since they treat us like disgusting gaijin and don’t allow us to visit their original website, I won’t bother with that shit.
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